Le retard de deux mois dans le paiement du salaire ne justifie nécessairement pas la prise d’acte aux torts de l’employeur.
(Cass. soc. 29-1-2020 n° 17-13.961 F-D )
Les faits : M. I…, engagé par la société d’informatique à effet du 13 septembre 2010, en qualité de responsable commercial, moyennant une rémunération mensuelle brute fixe et une rémunération variable sur objectifs, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 9 juin 2012. Il saisit ensuite le Conseil de prud’hommes de diverses demandes relatives tant à l’exécution qu’à la rupture de ce contrat.
La décision : En ce qui concerne le non paiement des salaires, la cour d’appel confirmant le jugement du conseil de prud’hommes a relevé que le retard dans le paiement des salaires des mois de mars et avril 2012 n’empêchait pas la poursuite de la relation de travail.
La portée de l’arrêt : La portée de cet arrêt doit être relativisée.
Pour la Cour de cassation, les juges du fond sont souverains pour décider que le retard dans le paiement de 2 mensualités de salaire n’empêche pas la poursuite de la relation de travail, et que de ce fait la prise d’acte de la rupture du contrat produit les effets d’une démission.
Cet arrêt incite à la vigilance quant à la décision du salarié de prendre acte de la rupture de son contrat de travail.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail constitue un mode de rupture du contrat d’origine jurisprudentielle. Le salarié qui prend acte de la rupture pour des faits qu’il reproche à son employeur saisit le juge afin qu’il statue sur les conséquences de cette rupture. Ainsi, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués par le salarié la justifiaient. Dans le cas contraire, elle produit les effets d’une démission.
Pour la jurisprudence, seuls les manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation de travail font produire à la prise d’acte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul.
Comme le prouve cet arrêt, l’appréciation de la gravité des faits relève du pouvoir souverain des juges du fond.
Ainsi, dans une autre espèce, la Cour de cassation avaient jugé que « l’employeur avait à plusieurs reprises, sur une période de cinq mois, payé le salaire de l’intéressée avec retard, a pu décider que ce manquement était suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail » (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 mai 2018, 16-28.127).
Attention : En cas de requalification de la prise d’acte en démission, le salarié peut être condamné à verser à l’employeur une indemnité compensatrice de préavis (Cass. soc. 8-6-2011 no 09-43.208 FS-PB : RJS 8-9/11 no 695).
Le salarié devra donc être vigilant et proposé d’effectuer le préavis et obtenir si possible la dispense de l’employeur de l’effectuer (Cass. soc. 19-5-2015 no 13-25.615).