Les difficultés ne se limitent pas à une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires (Cour de cassation 21 septembre 2022, n°20-18511)
Le Code du travail fixe les critères permettant de définir de manière précise les difficultés économiques qui doivent justifier un licenciement pour motif économique.
L’article L. 1233-3, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 en fixe le cadre.
Il rappelle que :
« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
- a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
- b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
- c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
- d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus. »
Il en résulte que les difficultés doivent être caractérisées, soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires (CA), des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés.
La Cour de cassation rappelle que la baisse s’apprécie au cours de la période qui précède directement la notification de la rupture du contrat de travail. Il convient de raisonner par trimestre glissant et non par année comptable ou civile (Cass. soc., 11 mai 2022, no 20-19.957).
Dans l’arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2022, la Cour de cassation apporte des précisions sur les éléments sur lesquels l’appréciation du juge doit porter.
1- Les faits de l’arrêt
Un salarié, engagé en qualité de chargé d’études le 14 décembre 2006 est licencié pour motif économique par son employeur.
La Société compte au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés.
Après avoir été convoqué par lettre du 16 février 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, il a adhéré le 7 mars 2017 au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait, alors, été proposé, de sorte que la rupture de son contrat de travail est intervenue le 20 mars suivant.
Le salarié, contestant le bien-fondé de cette rupture a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes.
2- La position de la Cour d’appel
La Cour d’appel déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne l’employeur à payer diverses sommes au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Pour cette dernière, l’employeur ne rapporte pas la preuve de la baisse des commandes et/ou du chiffre d’affaires sur 3 trimestres consécutifs, incluant celui au cours duquel la rupture du contrat de travail a été notifiée (soit courant 2016/1er trimestre 2017). Le motif devant être apprécié au jour du licenciement.
3- La position de la Cour de cassation
L’arrêt est cassé par la Cour de cassation.
La Cour de cassation, se basant les dispositions de l’article L. 1233-3, 1°, du code du travail précise que « si la réalité de l’indicateur économique relatif à la baisse du chiffre d’affaires ou des commandes au cours de la période de référence précédant le licenciement n’est pas établie, il appartient au juge, au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier, de rechercher si les difficultés économiques sont caractérisées par l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques énumérés par ce texte, tel que des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. ».
La réponse apportée par la Cour de cassation est claire :
- Le contrôle du juge ne devait pas se limiter par l’employeur, en l’occurrence celui relatif à la baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires.
- La cour d’appel aurait dû, au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier, rechercher si les difficultés économiques étaient caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques énumérés au 1° de l’article L 1233-3, tel que des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
4- Le contrôle du juge en cas de licenciement économique
En conclusion, les juges ne doivent pas cantonner à apprécier le motif du licenciement économique en se fondant sur un seul indicateur. Il doit examiner tous les éléments fournis par l’employeur pour justifier de l’existence de difficultés économiques (Cass. soc., 21 sept. 2022, no 20-18.511).