La crise sanitaire liée au COVID 19 nous amène à nous poser la question des promesses d’embauche qui avaient été négociées avant que des mesures de confinement ne soient décidées.
Le coronavirus permet-il de rompre une promesse de contrat de travail ?
Avant de répondre à cette question, il convient de revenir sur le régime de la promesse de contrat avant la crise liée au Covid 19.
Le sort de la promesse de contrat en période « normale »
La définition de la promesse de contrat de travail a été modifiée par les dispositions issues de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, et par la Cour de cassation dans un arrêt de la chambre sociale en 2017 (Cass. soc., 21 sept. 2017, n° 16-20.103 ; Cass. soc., 21 sept. 2017, n° 16-20.104).
Il y a ainsi lieu de distinguer, d’une part, l’offre et la promesse de contrat de travail et, d’autre part, la simple entrée en pourparlers, c’est-à-dire en négociation.
La promesse de contrat de travail est définie comme le contrat par lequel, l’employeur accorde au candidat, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail.
Cette promesse précise l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction, et pour la conclusion duquel ne manque que le consentement du candidat. L’envoi de la promesse engage l’employeur car le contrat a été formé dès celle-ci.
Par conséquent, une rétractation ultérieure sera considérée comme abusive ( Cass. soc., 21 sept. 2017, n° 16-20.103 ; Cass. soc., 21 sept. 2017, n° 16-20.104)
La jurisprudence considère la promesse d’embauche comme une offre ferme et définitive, adressée à une personne désignée mentionnant la nature de l’emploi proposé, la rémunération, la durée du travail et la date d’entrée en fonction.
Ainsi, une promesse qui ne mentionne ni l’emploi, ni la rémunération, ni la date d’embauche constitue une simple offre d’emploi qui n’engage pas l’employeur de façon ferme (Cass. soc., 12 juill. 2006, n° 04-47.938).
C’est le cas également si elle ne précise ni la rémunération ni la date d’embauche. Le candidat ne peut prétendre à une indemnisation si l’employeur ne la respecte pas (Cass. soc., 28 nov. 2018, n° 17-20.782).
Par ailleurs, la Cour de cassation a considéré qu’une proposition d’embauche adressée à un candidat par une société ne vaut pas contrat de travail dès lors que les pourparlers sur la rémunération (en l’espèce sur la partie variable de la rémunération) s’étaient poursuivis (Cass. soc., 26 sept. 2018, n° 17-18.560).
Depuis les arrêts du 21 septembre 2017, la distinction opérée par la jurisprudence entre offre de contrat et promesse d’embauche est difficile à appréhender. Les deux notions restent très proches puisque dans les deux cas elles devront indiquer le poste proposé, la date d’entrée en fonction et la rémunération.
Mais en cas de litige, le juge s’attachera à rechercher l’intention réelle de l’employeur.
Si l’acte exprime la volonté de l’employeur d’être lié par un contrat de travail et si le candidat l’accepte, le contrat est formé dès son acceptation mais pas avant. Dans ce cas, l’offre peut être rétractée.
A l’inverse, si par la promesse, il accorde au candidat le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, ce contrat est considéré comme formé dès que la promesse est émise, ce qui interdit à l’employeur de se rétracter.
Le sort de l’offre ou de la promesse négociée avant le confinement
Il convient de distinguer plusieurs situations et d’analyser la manière dont l’engagement a été rédigé.
J’étais en négociation avec un employeur pour un recrutement et aucune offre écrite ne m’a été transmise. Quelle est ma situation ?
Dans cette situation, le candidat à l’embauche et l’employeur sont simplement entrés en pourparlers.
Aucun écrit n’est venu formaliser l’accord des parties sur les conditions de l’embauche. La proposition de contrat vaut seulement invitation à entrer en négociation.
Une offre écrite précise m’a été transmises par l’employeur. Quelle est ma situation ?
L’employeur a adressé une proposition ferme écrite par mail ou lettre. Dans cet écrit, il est précisé l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction. Il s’agit ici d’une offre de contrat.
Il y a lieu de distinguer deux situations.
– Le candidat n’a pas reçu la proposition d’offre ou n’a pas répondu dans les délais.
La rétractation n’est possible que si le candidat n’a pas encore reçu son offre, ou s’il ne l’a pas acceptée dans le délai qui lui était imparti pour le faire (Cass. soc. 21-9-2017 nos 16-20.103 FS-PBRI et 16-20.104)
– Le candidat a accepté la proposition
Dans cette situation, les parties sont en principe liées par un contrat de travail.
La rupture à l’initiative de l’employeur s’analyse alors en un licenciement sans cause réelle et sérieuse si le contrat promis était à durée indéterminée (Cass. soc. 15-12-2010 n° 08-42.951 F-PB : RJS 3/11 n° 205), et en une rupture abusive si le contrat était à durée déterminée (CA Aix-en-Provence 20-1-2012 n° 10-22931).
Cette rupture ouvre droit à des dommages et intérêts pour le salarié.
Le contrat de travail a été signé avant le confinement et une date de début de contrat était fixée. Suis-je protégé ?
Dans le cas où le candidat a été recruté et a signé son contrat de travail juste avant la mise en confinement mais avant sa prise de poste, le contrat a été formé et doit être exécuté.
Il doit être traité comme les autres salariés de l’entreprise, c’est-à-dire prendre son poste en télétravail à la date convenue et si l’employeur se trouve dans l’impossibilité de fournir le travail convenu être placé en activité partielle à compter de celle-ci.
La crise actuelle liée à l’épidémie Covid-19 n’est pas en tant que telle, un motif de rupture du contrat.
Promesse de contrat : L’employeur peut-il évoquer l’épidémie de Covid 19/coronavirus pour justifier la rupture ?
Comme il a été souligné plus haut, la crise actuelle liée à l’épidémie Covid-19 n’est pas en tant que telle, un motif de rupture du contrat.
Dans une espèce isolée, dans laquelle un père de famille engagé par une promesse, a rompu le contrat d’engagement, la Cour a jugé que l’inexécution par un père de famille du « contrat d’engagement » qu’il a conclu avec une « monitrice » pour assurer la garde de ses enfants, repose sur un motif personnel sérieux dès lors que cette inexécution résulte du désir du père, qui en avait régulièrement avisé l’intéressée un mois à l’avance, d’élever lui-même ses enfants, et à défaut de commencement d’exécution il n’est dû à la monitrice ni salaire ni indemnité de préavis (Cass. soc. 15-1-1981 n° 79-41.291).
A mon sens, dans le contexte actuel, la prudence invite à respecter les engagements.
De manière pratique, l’employeur n’est pas dans l’obligation de rompre sa promesse de contrat : il a la possibilité de négocier avec le salarié un report de la date de début d’exécution du travail, afin de laisser passer la crise. Il pourra même le placer en activité partielle.