Dans un arrêt du 7 février 2024, la Cour de cassation indique que « L’ absence de mise en place par l’employeur d’un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l’existence ou au nombre d’heures accomplies »
Cass. soc. 7-2-2024 n° 22-15.842 FS-B, D.
Cette nouvelle jurisprudence nous donne l’occasion de revenir sur les règles de preuve en matière de temps de travail.
1- Les règles applicables en matière de preuve sur la durée du temps de travail
L’article L 3171-4 du Code du travail dispose que :
« En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
Il en résulte que la preuve des heures supplémentaires ne repose pas sur une seule partie.
Le salarié doit exposer des « éléments suffisamment précis » pour étayer sa demande, c’est-à-dire au moins un commencement de preuve (Cass. soc., 25 févr. 2004, no 01-45.441). La communication de ces éléments doit ensuite permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
Lorsqu’il statue sur un litige relatif à des heures supplémentaires, le juge est tenu de procéder de la manière suivante :
- Dans un premier temps, d’examiner la recevabilité de la demande du salarié au regard des éléments fournis par ce dernier ;
- Il se prononce ensuite au vu des justificatifs d’horaires que l’employeur est tenu de lui fournir.
Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qu’afin d’assurer l’effet utile des droits prévus par la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 et du droit fondamental consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, les Etats membres doivent imposer aux employeurs l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur (CJUE 14 mai 2019, Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO), C-55/18, point 60).
Il en découlait pour l’employeur l’obligation de prouver qu’il avait mis en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail.
2- Les apports de la décision du 7 février 2024
Une salariée qui travaillait en tant que coiffeuse avait saisi le Conseil de prud’hommes pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail et diverses sommes dont des heures supplémentaires.
A l’appui de ses demandes, la salariée produisait un tableau récapitulant ses heures, un décompte hebdomadaire et deux témoignages.
De son côté, l’employeur versait au débat des bulletins de paie montrant le paiement d’heures supplémentaires autres que celles prévues contractuellement, un cahier de relevés d’heures mentionnant de manière manuscrite les heures accomplies par la salariée pour chaque jour de travail et des témoignages venant contredire ceux produits par la salariée.
Au vu des éléments fournis par la salariée et par son employeur, les juges du fond, vont rejeter la demande de la salariée au titre des heures supplémentaires.
La salariée s’était pourvue en cassation. Elle soutenait que l’employeur devait mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque salarié.
Elle reprochait à la cour d’appel d’avoir retenu des éléments de preuve versés par l’employeur qui ne provenaient pas d’un système objectif, fiable et accessible de mesure de la durée du travail.
La Cour de cassation rejette le pourvoi.
Elle indique que : l’absence de mise en place par l’employeur d’un tel système ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies.