Les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir le caractère professionnel.
Ainsi, le caractère personnel des courriers échangés sur une adresse électronique n’est pas prouvé lorsque ces messages sont sur l’ordinateur mis à la disposition par l’employeur. L’arrêt de la Cour de cassation du 19 juillet 2013 permet de revenir sur le contentieux relatif au droit d’accès à la messagerie personnelle du salarié en son absence.
– Les faits de l’espèce (Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 19 juin 2013 pourvoi n° 12-12.138)
M. X… a été engagé le 1er décembre 2000 en qualité de directeur artistique. Pour prouver des actes de concurrence déloyale, la société avait mandaté un expert informatique pour accéder aux fichiers présents le disque dur de son ordinateur en son absence. Monsieur X est licencié pour faute grave.
Ce dernier conteste son licenciement devant la juridiction prud’homale.
La cour d’appel constate d’une part que l’expert avait exclu du rapport d’expertise les dossiers expressément identifiés comme personnels, mais d’autre part avait pris en compte les messages provenant de l’adresse électronique personnelle de Monsieur X, constituant une atteinte au respect de sa vie privée et de ce fait un mode de preuve illicite.
La cour de cassation casse l’arrêt. Selon elle, le caractère personnel de courriers échangés sur une adresse électronique n’est pas démontré lorsque ces messages sont présents sur l’ordinateur mis à disposition par l’employeur : « des courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils émanent initialement de la messagerie électronique du salarié ». Il revient donc au salarié de préciser expressément que ces messages sont personnels.
Cet arrêt nous permet de revenir sur la question de l’accès à la messagerie du salarié en son absence.
– La question de l’accès à la messagerie d’un salarié en son absence
– La prévention
Il est important de prévenir tout conflit en amont. A cet effet, un document de la CNIL préconise à l’employeur de fixer les conditions de consultation de messagerie en cas d’absence. Ainsi, une charte informatique propre à l’entreprise pourrait prévoir les conditions de consultations de la messagerie. Ces conditions doivent être connues des salariés à l’avance qui sont informés des modalités de consultation et d’utilisation de leur messagerie pendant leur absence. Par ailleurs, un règlement intérieur peut également définir les conditions dans lesquelles l’accès aux mails professionnels des salariés pourra être effectué.
– Le contentieux
Les règles actuelles posent le principe du respect de la vie privée du salarié en son absence. Ce dernier est protégé par le secret des correspondances.
En effet, la chambre sociale de la Cour de cassation n°99-42942 s’est prononcée pour la première fois dans l’affaire « Nikon », qui énonce que tout salarié a droit, « même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée, que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances que l’employeur ne peut dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels et identifiés comme tels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur ».
Cette position a été ensuite précisée par la Cour de cassation, qui énonce clairement que les courriers adressés par le salarié avec le matériel informatique de l’employeur dans le cadre du travail sont présumés avoir le caractère professionnel (Cass.soc. 15 décembre 2010, n°08-42486).
En tout état de cause, dès lors que le courrier ne porte aucune mention le faisant apparaître comme personnel, il peut être ouvert par l’employeur.
La décision de la Cour de cassation du 19 juin 2013 apporte une nouvelle nuance. « Le courriel issu de la messagerie personnelle du salarié prend un caractère professionnel dès son enregistrement sur le poste de travail » (Dictionnaire permanent Social). L’employeur est donc libre d’en prendre connaissance, sauf dans le cas où il porte la mention « personnel ».