Rupture conventionnelle :
CA Montpellier 8-1-2020 n° 16/02955
La Cour d’appel de Montpellier a rendu un arrêt intéressant.
Elle vient préciser que si le salarié apporte la preuve que la rupture conventionnelle a été antidatée. Elle est annulée et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En effet, en anti-datant la rupture conventionnelle, c’est le délai de rétractation n’a pas été respecté. En conséquence, la rupture doit être annulée.
Il convient ici de rappeler la procédure en matière de rupture conventionnelle.
Dans les conditions fixées par les articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du Code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir d’un commun accord des conditions de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée (CDI) qui les lie.
Cette rupture conventionnelle du contrat de travail obéit à une procédure spécifique : entretien(s) entre les deux parties, et homologation de la convention.
Elle est entourée d’un certain nombre de garanties pour le salarié. À compter de la date de signature de la convention de rupture, les parties peuvent se rétracter dans un délai de 15 jours calendaires, par lettre attestant de sa date de réception par l’autre partie (CA Bourges 16-9-2011 n° 10-01735).
Aussi, l’homologation à l’autorité administrative ne peut être demandée avant l’expiration d’un délai de rétractation de 15 jours.
Dans la pratique, il peut arriver que l’employeur et le salarié se mettent d’accord pour antidater une convention de rupture afin de gagner du temps. L’objectif étant d’écourter la durée totale de la procédure, il peut ainsi arriver que la convention de rupture soit antidatée, ce qui permet alors aux parties de l’adresser immédiatement à l’autorité administrative sans avoir à observer le délai de rétractation.
Cette situation présente des risques.
C’est le sens de la décision qui a été rendue par la Cour d’appel de Montpellier.
Dans le cas d’espèce, l’expert-comptable de l’employeur lui a envoyé par courriel ayant pour objet « Rupture conventionnelle de Mr. X », un formulaire Cerfa et un protocole de rupture conventionnelle avec pour consigne de les faire dater et signer, pour le premier, et parapher et signer, pour le second, par le salarié.
Le même jour, l’employeur communiquait ces documents, par courriel également, au salarié.
Or ces documents étaient antidatés de plus de 15 jours. Ces documents étaient remplis et signés par les parties le jour de la réception du mail de l’expert-comptable, et envoyés à la Direccte (autorité administrative chargée de l’homologation) pour homologation dans la foulée. La rupture conventionnelle, homologuée tacitement par la Direccte, est ensuite contestée par le salarié.
Les juges qui ont constaté que les documents de rupture conventionnelle ont été antidatés. Ils n’ont pu être remplis et signés que peu de temps avant l’envoi de l’homologation à la Direccte.
Les jugent en tirent la conséquence que le délai de rétractation n’a pas été respecté. Ce qui entache la rupture d’un vice et fait encourir la nullité à la rupture conventionnelle.
Le fait que le salarié ait signé les documents en connaissance de cause n’a aucune incidence. Le délai de rétractation n’ayant pas été respectée, la rupture est nulle.
Il en découle que cette rupture intervenue produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le salarié est condamné à rembourser la somme perçue à titre d’indemnité de rupture conventionnelle. Ce remboursement est imputé, par compensation, sur les dommages et intérêts dus par l’employeur au titre du licenciement abusif.
Cette décision vient donc préciser la nécessité de respecter le délai de rétractation et confirmer la position des juridictions sur ce point (Voir en ce sens CA Paris, Pôle 6, 5ème ch., 27 juin 2013, n° 11/03173).