(Cass. soc. 6 mai 2015, n°13-27535). Dans cette décision, la Cour de cassation se prononce sur la relation entre un auto-entrepreneur et une société, en la requalifiant en relation de travail. Cet arrêt de la Cour de cassation est intéressant en ce sens qu’il apporte un éclairage sur la relation liant l’auto-entrepreneur à une société, pour qui il effectuait des missions.
L’arrêt du 6 mai 2015 (n° de pourvoi n°13-27535)
Une personne exerçait une activité commerciale en qualité d’auto-entrepreneur depuis le 1er mars 2009 au service d’une société. Deux années plus tard, la société est placée en liquidation judiciaire. Un mandataire-liquidateur est désigné.
L’auto-entrepreneur saisit la juridiction prud’homale aux fins de requalification de sa relation avec la société en relation salariale.
La juridiction prud’homale se déclare incompétente. L’auto-entrepreneur attaque la décision par la voie de contredit.
La cour d’appel rejette le contredit. Elle le renvoie devant le tribunal de commerce, estimant d’une part qu’il n’établissait pas l’existence d’un lien de subordination, et d’autre part, que l’intéressé avait refusé d’assister à une foire exposition du vendredi 15 octobre et qu’un tel refus ainsi que les factures de services adressées à la société établissaient qu’il n’était en aucun cas lié par un contrat de travail.
Saisie la Cour de cassation n’est pas de cet avis. Pour elle, « en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que l’intéressé avait travaillé dans le respect d’un planning quotidien précis établi par la société, qu’il était tenu d’assister à des entretiens individuels et à des réunions commerciales, que la société lui avait assigné des objectifs de chiffre d’affaires annuel et qu’il lui était imposé, en des termes acerbes et critiques, de passer les ventes selon une procédure déterminée sous peine que celles-ci soient refusées, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations ». La Cour de cassation établit donc l’existence d’un lien de subordination entre l’auto-entrepreneur et la société, et par conséquent l’existence d’un contrat de travail.
Les enseignements de l’arrêt: les risques de la requalification
Le régime de l’auto-entrepreneur a été créé par la loi n° 2008-776. Il était destiné à stimuler le véritable travail indépendant.
Dans sa réponse ministérielle n°76 823, Journal officiel de l’AN du 12/10/2010, il a été rappelé qu’ « il n’a nullement été conçu pour couvrir l’externalisation abusive de salariés ou le recrutement de faux indépendants ».
L’entrepreneur individuel qu’est l’auto-entrepreneur exerce son activité en toute indépendance. Il est donc libre d’organiser son travail à sa convenance et de choisir ses clients sans contrainte. Il conserve à ce titre la maîtrise de l’organisation des tâches à effectuer. Telle n’est pas la situation de personnes salariées qui travaillent sous un lien de subordination.
Ainsi comme le souligne fort justement la réponse ministérielle « Telle n’est pas la situation de personnes, salariées ou engagées dans un parcours de recherche d’emploi, à qui l’on demande de se déclarer comme auto-entrepreneur alors qu’elles travaillent en pratique sous l’autorité de leur recruteur voire de leur ancien employeur. Dans ce cas, le contrat entre l’auto-entrepreneur et son donneur d’ordre peut, sous réserve de l’interprétation souveraine du juge civil ou pénal, être requalifié en contrat de travail. »
L’article L. 8221-6 du code du travail établit une présomption de contrat de travail, lorsqu’une entreprise est régulièrement immatriculée ou déclarée.
Toutefois, une jurisprudence constante de la Cour de cassation établit que l’existence du contrat de travail ne dépend ni de la volonté des parties, ni de la qualification donnée (salaires, honoraires, indemnités…), mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.
Le salarié est celui qui accomplit un travail pour un employeur dans un lien de subordination juridique permanent (Cass. soc. 13 novembre 1996, Cass. soc. 4 mars 1983, n° 94-13187 ; n° 81-11.647 et 81-15.290). Voir le contrat de travail.